L'avocat malien et ancien ministre de la Justice, Mamadou Ismaïla Konaté a qualifié l'abrogation de la Charte des partis politiques par les putschistes au pouvoir au Mali de «coup d'Etat juridique» et de «forfaiture politique», soulignant que cette mesure a signé l'acte de décès du pluralisme politique dans le pays.
Le texte supprimant la Charte des partis a été voté, hier lundi par le Conseil national de transition (CNT), dont les membres ont été nommés par les militaires putschistes arrivés au pouvoir après deux coups d'Etat en 2020 puis en 2021.
«Ce 12 mai 2025, le CNT a franchi un seuil dangereux. En abrogeant la Charte des partis politiques et la loi portant statut de l'opposition, il ne s'est pas contenté de voter une réforme : il a signé l'acte de décès du pluralisme politique au Mali», a écrit Mamadou Ismaïla Konaté dans une contribution dans laquelle il a dénoncé avec verve la décision des putschistes au pouvoir au Mali.
«Ce n’est pas une réforme, c'est un rapt», s'est-il indigné, relevant que «l'abrogation brutale, à main armée législative, de ces textes fondateurs de la démocratie malienne constitue un véritable coup d'Etat juridique».
Loin d'un ajustement législatif, cette manœuvre, poursuit l'ancien ministre malien, «est une opération de mise au pas (et) une tentative de démolition systématique des contre-pouvoirs politiques».
Par ailleurs, Mamadou Ismaïla Konaté a battu en brèche l'argument des autorités putschistes selon lequel l'abrogation de la Charte des partis «ne met pas en cause l'existence des formations politiques».
«Ce n'est pas une transition, c'est une trahison. Et que l'on ne s'y trompe pas : l'argument d'un nouveau texte à venir ne tient pas. Il ne s'agit nullement d'un processus de remplacement législatif car aucun calendrier, aucune concertation, aucun projet n'ont été sérieusement partagés», a-t-il expliqué. Et d'ajouter: «L'abrogation n'est suivie d'aucune création immédiate.
C'est un vide juridique volontaire, organisé, stratégique. La soldatesque, par cette démarche lugubre, entend prendre la main sur le jeu politique, encadrer à sa guise la participation des partis, décider seule du contenu, du contenant et des limites du champ démocratique».
«Peut-on raser la tête d’un homme en son absence ? A-t-on jamais vu une loi portant statut des militaires sans que ceux-ci ne soient consultés ?», s'est-il notamment interrogé, dénonçant le fait que «la démocratie devient uniforme, sous l'œil du soldat et la menace de la baïonnette».
Rappelant que la Constitution au Mali reconnaît expressément la liberté d'association, le droit au pluralisme et l'existence légale d'une opposition, l'ancien ministre a souligné qu'en foulant ces principes, ceux qui ont soutenu la décision des putschistes ont «commis un acte d'une gravité extrême».
«A ceux qui s'en félicitent, vous célébrez une mutilation du droit. A ceux qui s’apprêtent à promulguer ce texte, vous endossez la responsabilité d'un attentat à la Constitution», a-t-il entre autres dénoncé.
Selon Mamadou Ismaïla Konaté, «la démocratie militaire est un oxymore».
«Elle n'ouvre pas le débat, elle ferme la porte. Elle n'élargit pas les libertés, elle resserre les chaînes», a-t-il soutenu, soulignant que le peuple «n'est pas dupe».
«En démocratie, toute décision engage une responsabilité. Et tout attentat à la Constitution appelle un jugement. Celui du droit. Celui du peuple. Et, inévitablement, celui de l’Histoire», a-t-il conclu.
APS