Ratifié en 2002 et mis en œuvre le 1er entré en vigueur en 2005, l’Accord d’Association avec l’Union Européenne « n’a pas été suffisamment négocié », relève, ce mardi matin, Ali Bey Nasri, président de l’Association nationale des exportateurs algériens (ANEXAL), dans l’Invité de la rédaction de la Chaine 3 de la Radio Algérienne. Le président de la République a ordonné de renégocier cet accord « article par article » pour le rééquilibrer. Mais l’expert va plus loin encore : « si cet accord se résume à la partie commerciale, je suis de ceux qui appellent à appliquer l’article 107 qui permet d’y renoncer.»
Pour illustrer ce déséquilibre, Ali Bey Nasri cite des exemples : Les postes services, agricole et produits agricoles transformés. « Ce sont des secteurs qui ont été pratiquement verrouillés par l’UE », dénonce l’expert en commerce extérieur. Il relève également « des erreurs d’appréciation notamment l’abaissement du taux moyen pondéré des droits de douanes, qui était de 32% avant l’accord. » Cette moyenne a été réduite à 18% après l’accord, or, généralement, « lorsqu’on va vers un accord, on a intérêt à augmenter les droits de douanes et non pas les baisser », signale l’expert.
Il rappelle que « les articles 11 et 40 de l’accord permettent, lorsqu’il y a des difficultés graves de la balance des paiements et nous sommes en plein dedans, l’Algérie peut demander des mesures de sauvegarde ». « C’est ce que nous avons fait en 2010, après la crise des subprimes, le baril était à 37 dollars, l’Algérie a demandé un réaménagement de l’accord sur 3 ans qui concernait 1054 produits industriels et 37 positions tarifaires dans les parties agricole et énergétique. Mais cela n’a pas suffit, car nous n’avons pas su mettre en place une économie et une industrie permettant de passer à l’offensive », relate Ali Bey Nasri.
La France, premier bénéficiaire de l’accord d’association Algérie-UE
Pour autant, l’expert relève des contradictions dans cet accord et s’interroge sur ces fondements. « Même si le préambule de l’accord stipule que les relations doivent être équilibrées, comment peut-on équilibrer les relations entre un pays en voie de développement et la première puissance économique du monde qui est l’Europe, premier exportateur mondial ? »
Selon lui, cet accord commercial profite à 4 pays européens : « en premier lieu la France, 25% des importations algériennes sont d’origine française. Viennent ensuite l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Ces 4 pays totalisent 72% des exportations européennes vers l’Algérie. Toute remise en cause de l’accord touchera d’abord ces 4 pays européens avec à leur tête la France », souligne le président de l’ANEXAL.
« Il faut que l’UE comprenne que c’est une nouvelle Algérie, avec une nouvelle politique économique à tracer et qui exige des relations équilibrées dans le cadre d’un réel partenariat, non pas une simple relation client vendeur », insiste Ali Bey Nasri. « L’Algérie a fait une erreur », estime l’expert, qui explique qu’en allant vers l’UE, l’Algérie s’est disqualifié de l’OMC. L’idéal, selon lui, aurait été de négocier avec l’OMC, l’UE étant partie intégrante de l’organisation.
Quelle place pour le partenariat et le co-développement ?
A chaque fois que l’Algérie a actionné les mesures de sauvegarde, l’Union Européenne proteste. Ce comportement qu’il qualifie de « mercantile » de la part de l’Europe n’est, selon lui, « pas à la hauteur des ambitions et des fondements du processus de Barcelone ». Il recommande de « revenir à l’esprit du processus de Barcelone, dont l’objectif est de consacrer l’espace méditerranéen comme un espace de paix, de stabilité et de prospérité ».
En 2016, l’Algérie a fait une pause pour évaluer l’accord. « C’est sur la base de cette évaluation que les négociations doivent reprendre », estime l’expert. « Dans sa globalité, l’accord parle de co-développement et partenariat », poursuit-il. Ali Bey Nasri s’interroge : « où est le co-développement ? Où est le partenariat ? Les faits sont parlants. Tout ce qui aurait pu être au bénéfice de l’Algérie dans cet accord n’a pas été appliqué. Il est clair que l’on veut confiner l’Algérie à un espace commercial ».
L’Algérie doit également « identifier les filières sur lesquelles elle a la volonté d’aller en co-développement avec des partenaires européens. Des entreprises européennes sont en train de se relocaliser ailleurs, il faut que l’Algérie en bénéficie », préconise l’expert.