La chaîne belge RTBF a mis la lumière vendredi sur les pratiques malhonnêtes de la diplomatie marocaine pour choisir et soudoyer des avocats belges chargés d'«observer» un procès emblématique des prisonniers sahraouis de Gdeim Izik au Maroc.
Le procès en question remonte à 2017, à la Cour d'appel de Salé près de Rabat. Qualifié de «simulacre», «surréaliste et inique» par les avocats de la défense, le procès des 25 militants sahraouis condamnés en 2013 à des peines de prison allant jusqu'à la perpétuité, était marqué par de graves irrégularités.
«C'était un procès surréaliste et inique. Je n'ai jamais pu m'entretenir avec mes clients, je n'ai jamais eu accès au dossier (...) Toutes nos demandes d'irrecevabilité ou de contre-expertise ont été rejetées pour des raisons fallacieuses. Nous avons été retirés d'office de la défense par le président de la Cour d'appel. Nous avons protesté et avons été sortis du tribunal violemment par les policiers. Une fois dehors, nous avons été une nouvelle fois violentés», a confié l'une des trois avocats français de la défense, Me Ingrid Metton, à la Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF).
Logés, nourris, invités à des fêtes prestigieuses, et rémunérés par les autorités marocaines, des avocats belges du barreau de Bruxelles sont présents pour une «mission d'observation à la demande du Maroc», admet six ans après le verdict, un des observateurs, Me Pierre Legros. Des aveux confirmés par son confrère Me Emmanuel Carlier qui dit avoir été «logé dans un bel hôtel (un palace 5 étoiles) et les restaurants étaient payés» par le ministère de l'Intérieur marocain.
Alors que le procès était entaché d'irrégularités et inéquitable, les avocats belges ont étonné par leurs constatations aux micros des médias marocains, clamant haut et fort que le procès s'est déroulé de manière «exemplaire» et était «équitable».
«De toute évidence, on n'a pas assisté au même procès. Au moment des déclarations faites par les avocats belges, nous avions déjà été menacés par le président de la Cour lorsque nous avons qualifié le Sahara occidental de territoire occupé. Nous avions déjà dénoncé le fait que nous n'avions pas accès au dossier. Je ne vois pas comment on peut qualifier ce procès d'exemplaire. En tout cas, ça ne correspond ni à ma réalité, ni à ce qui s'est déroulé dans la salle d'audience», a réagi Me Metton aux déclarations de ces «observateurs» ainsi que celles de Sophie Michez, une autre avocate proche du roi Mohamed VI, qui s'affiche au premier rang à la fête du Trône et à la cérémonie d'allégeance.
En octobre dernier dans sa demande de libération des prisonniers de Gdeim Izik, le Groupe de travail de l'ONU avait mis en lumière des violations flagrantes, notamment le refus d'accès à des avocats, des aveux obtenus sous la torture et le manque d'impartialité et d'indépendance de la justice marocaine.
Il a conclu que ces Sahraouis ont été arbitrairement privés de leur liberté depuis leur arrestation et a enjoint le Maroc de garantir des dédommagements. De même qu'il a incité le royaume à enquêter sur la privation arbitraire de liberté de ces Sahraouis et à prendre des mesures contre les responsables.
Pour rappel, les militants de Gdeim Izik se trouvent en détention arbitraire au Maroc depuis 2010 suite à une protestation pacifique massive organisée dans la localité de Gdeim Izik. Depuis, et à ce jour, ils endurent un traitement inhumain dans les geôles d'occupation.
APS