L’expert en questions énergétiques et ancien PDG d’une filiale de Sonatrach, Baghdad Mandouche, a considéré que l’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole et l’enjeu de la décarbonation du gaz qui arrive à terme en 2030 seront, inéluctablement, abordés lors du 7e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) qui se déroulera du 29 février au 2 mars prochains à Alger.
Et si les experts prévoient à ce que cette rencontre pourrait aboutir à une future Opep du gaz, M. Mandouche a affirmé que « la question du gaz se pose différemment par rapport au pétrole, car ce n’est pas la même problématique ». Selon lui, les pays producteurs et exportateurs sont assujettis à des contrats à long terme, sur 10 et 20 ans et « sont ainsi liés aux clauses des contrats (…) Du coup, il ne pourrait pas y avoir une entente pour pouvoir diminuer la production au risque d’être pénalisé par un arbitrage international ».
Lors de son passage, ce lundi matin, dans l’émission « L’invité de la Rédaction » de la Chaine 3 de la Radio Algérienne, il dira que « l’Algérie a toujours indexé le prix du gaz sur le pétrole. Pour le moment, c’est une formule qui est à l’avantage du pays. D’autres pays l’ont fait aussi. Il n’y a pas que l’Algérie ».
Citant l’exemple de la Russie, il précisera qu’« il faudra d’abord savoir que ce pays a un potentiel gaz beaucoup plus important que le potentiel pétrole et recèle des réserves immenses. Si on exclut les États-Unis, la Russie est le premier exportateur au monde. Ses intérêts font qu’elle cherche à désindexer pour pouvoir négocier un prix du gaz séparé ».
« Je ne crois pas que les pays du Forum vont aller dans ce sens. La plupart des pays ont cette formule d’indexation », estime encore M. Mandouche.
Concernant l’autre enjeu du Forum, à savoir la décarbonation qui arrive à terme en 2030, M. Mandouche a souligné que celle-ci « exige des technologies pour le faire », rappelant que Sonatrach a bénéficié de cette technologie pour le champ d’In Salah avec son partenaire British Petrolium (BP) ».
En revanche, il rappellera que les représentants d’Exxon Mobil, une société américaine, la plus importante au monde, ont récemment été reçus par le ministre en charge du secteur. « Exxon Mobil possède la dernière technologie en matière de décarbonation de gaz. Et parmi les points qui intéressent Sonatrach, c’est cette technologie. Et à partir de 2030, l’Algérie vendra du gaz avec zéro carbone ».
« Il faut aller vers les marché asiatiques »
Abordant la concurrence à laquelle l’Algérie pourrait faire face à l’horizon 2030, sur ses marchés traditionnels, comme l’Europe, M. Mandouche a cité l’exemple de la Méditerranée orientale, où l’entité sioniste compte exploiter les champs gaziers découverts à Ghaza (Marina I et Marina II), en Palestine occupée, affirmant que l’entité sioniste a signé avec trois sociétés anglo-américaines, y compris dans le domaine de l’exploration en zone offshore.
Toutefois, M. Mandouche a rassuré que « l’Algérie dominera, jusqu’en 2030, le marché européen, suivi par le Nigéria et l’Egypte. Mais, au delà de 2030, il y aura d’autres concurrents issus de l’Afrique de l’Est. Je pense que Sonatrach, dans ses études prospectives, tient compte de toutes ces données ».
En ce sens, il rappellera que l’Algérie produira, en 2024, 140 milliards de mètres cubes, avec des prévisions d’augmentation de 3 % par an, grâce aux nouveaux gisements récemment découverts dans le pays, notamment dans la région d’Adrar.
« Il faudra encore un effort d’exploration de champs. Avec des réserves de 2 400 milliards de mètres cubes en place techniquement prouvés, c’est-à-dire des quantités qu’on peut récupérer facilement, il y a une autre quantité qui relève du probable, qui peut être récupérée grâce aux technologies dédiées et une autre quantité qui relève du possible, qu’on peut également récupérer avec des technologies futures. Ensuite il faudra mettre en place des réseaux de transport du Sud vers le Nord et, enfin, avoir des complexes de liquéfaction et l’Algérie en possède à Arzew et à Skikda avec des capacités importantes, comme nous avons des terminaux », explique M. Mandouche
Tout en assurant que la force de l’Algérie réside dans sa flexibilité en matière de transport et de logistique pour mieux placer son gaz sur le marché mondial, M. Mandouche a indiqué que Sonatrach possède déjà trois méthaniers, avec une capacité de transport de 125 000 mètres cubes.
ajouté à cela, cinq derniers méthaniers, explique-t-il, d'une capacité de transport comprise entre 145 000 et 172 000 mètres cubes et visent beaucoup plus le marché asiatique. « Il faut aller vers le marché asiatique, car le marché européen qui était notre marché traditionnel est non seulement de plus en plus convoité, mais il est de plus petite taille. Aujourd’hui, nous avons la Chine qui devient le premier client mondial et qui est le premier consommateur en matière de gaz. Il faut aller plus loin et viser les marchés japonais et indonésien qui sont potentiellement demandeurs de gaz », a déclaré M. Mandouche.
Farid Belgacem