L’historien français Christophe Lafaye révèle comment l’armée française a utilisé des gaz chimiques en Algérie

L’historien français Christophe Lafaye révèle comment l’armée française a utilisé des gaz chimiques en Algérie

Sections spéciales
11/03/2025 - 13:46

L’historien français Christophe Lafaye, dont les travaux ont été mis en avant dans le film documentaire « Algérie, sections armes spéciales », diffusé sur la Radio Télévision Suisse (RTS) le 9 mars dernier, s’est exprimé, ce lundi, sur la chaine 3 de la Radio algérienne, révélant avoir suivi l’entrainement des militaires français qui se préparaient à partir en Afghanistan, affirmant que « les militaires répétaient les techniques mises en œuvre en Algérie ».

Dans son intervention, il explique avoir vu « ces militaires qui utilisaient des retours d’expérience des sections armées en Algérie sans utiliser l’élément chimique parce que la France a signé des traités en 1993 interdisant l’usage d’armes chimiques, mais ils utilisaient des archives qui parlaient des combats souterrains pour se préparer ».


Christophe Lafaye déclare avoir rencontré en 2015 un ancien combattant affecté par ces gaz chimiques utilisés par l’armée française en Algérie

Christophe Lafaye déclare avoir « noté cette information », mais, plus tard, dit-il, « j’ai rencontré en 2015 un ancien combattant affecté par ces gaz chimiques utilisés par l’armée française. Et j’ai compris le caractère spécial et dangereux pouvaient ces gaz sur les algériennes et les algériens réfugiés dans les grottes ».

Il convient de rappeler que les souvenirs et les archives personnelles de soldats français et de combattants ou de civils algériens sont convoqués par Claire Billet, la réalisatrice du film, à l’appui d’une démonstration qui s’appuie sur les travaux de l’historien Christophe Lafaye, engagé dans un mémoire d’habilitation de recherche consacré à ce sujet.

Ainsi, et malgré de nombreux obstacles administratifs, Christophe Lafaye, spécialiste d’histoire militaire, a exhumé plusieurs documents qui décrivent comment la décision politique a été prise, en mars 1956, comme en atteste un courrier du commandant supérieur interarmées de la 10e région militaire (qui couvre l’Algérie) au secrétaire d’Etat aux Forces armées (terre), Maurice Bourgès-Maunoury, intitulé : « Utilisation de moyens chimiques ».

En septembre 1956, le compte-rendu d’une réunion tenue à l’état-major des Armées produit « une étude de politique générale d’emploi des armes chimiques en Algérie». Le but était d'infecter les grottes où se réfugient les «insurgés «– que les documents de l’époque qualifient de « hors la loi « –, faire prisonniers ou tuer leurs occupants, et les rendre impraticables.

Dès lors, l’armée effectue des tests pour déterminer « le produit à utiliser dans chaque cas particulier «, les modes d’emploi et les personnels qui devront se consacrer à ces missions : une batterie armes spéciales (BAS) est créée en décembre 1956. Une centaine de sections seront réparties sur tout le territoire algérien par le général Salan. Le plan Challe révisera cette organisation en 1959.

Les produits sont prélevés dans les stocks de la Grande Guerre. Il s’agit de CN2D, conditionné dans des grenades et dans des pots : un dérivé arsénié (Adamsite ou DM) combiné à de la chloroacétophénone (CN) très toxique.

Selon Christophe Lafaye, 8 000 à 10 000 gazages ont été conduits pendant toute la guerre. L’historien en a documenté 440, qu’il a fixés sur une carte. L’inventaire complet reste à faire. Il a fallu attendre 1993 pour que la France vote l’interdiction définitive des armes chimiques et de leur fabrication.

Radio Algérie Multimédia