Il y a 20 ans, jour pour jour, disparaissait l'artiste Othmane Bali, icône de la musique «Tindi» issu du patrimoine de la région de Djanet, laissant derrière lui, un legs inestimable de chansons aux contenus authentiques et aux formes ouvertes sur la modernité.
Le regretté Othmane Bali, de son vrai nom Mbarek Athmani, a combiné au cours de sa carrière artistique prolifique plusieurs talents, entre écriture de textes poétiques, compositions musicales, performance vocale et maîtrise exceptionnelle de son instrument de prédilection, l'Oud.
Les spécialistes du domaine artistique attestent unanimement qu'il aura été le pionnier dans l'innovation d'un nouveau genre de musique «Tindi», fusionnant de manière enchanteresse la mélodie targuie locale avec les rythmes de la musique occidentale, caractérisée par des instruments modernes et des cadences distinctives du blues et du jazz, ce qui a attiré le public à sa musique en Algérie et à l'étranger.
Né à Djanet en 1953, Othmane Bali, a débuté à son village d'enfance, où il a grandi au sein d'une famille de poètes mélomanes, ce qui ne l’avait, cependant pas empêché de recevoir son éducation à l'école coranique à l’entame des années 1960.
Inscrit à l'école primaire de Djanet, il eut un parcours scolaire régulier, jusqu’à atteindre le cycle secondaire à Tamanrasset, où il avait commencé sa carrière artistique comme chanteur, pour finir à Alger et participer à de nombreuses manifestations culturelles.
Grâce à sa persévérance et à ses efforts ininterrompus, le jeune chanteur, à la créativité foisonnante, avait alors commencé à découvrir judicieusement des ornements aux mélodies pentatoniques du «Tindi», un genre de musique qu'il finira par ouvrir sur les musiques du monde, créant ainsi, le «Blues du Désert», un style de musique qui consacrera sa carrière.
Othmane Bali interprétait les textes qu'il composait et écrivait personnellement en Tamasheq ou en Arabe dialectal, tutoyant la célébrité avec plusieurs chansons dont, «Damâa» (La Larme), «Kaf Noun», «Djanet», «Hadi Moudda» (cela fait longtemps), ou l'indétrônable chef-d'œuvre «Amine Amine».
Passionné de l'Oud, qu'il avait découvert au début des années 1970, alors qu'il travaillait à l'hôpital de Djanet, le regretté se démarquait également par sa voix présente et étoffée, fredonnant la poésie «Tindie» qu'il avait apprise de sa mère El «Hadja Khadidja» et montait sur des thèmes musicaux traditionnels de sa région.
Collaboration avec des artistes américain et italiens
Le défunt avait enregistré son premier album en 1986, avant de former son groupe en 1987 et récidiver en 1995 et en 1997 avec deux autres opus, «Assouf» (La Nostalgie) et «Assarouf» (Le Pardon), en collaboration avec le musicien américain Steve Shehan, avec qui, il avait aussi enregistré en 2008, l'album «Assekal» (Le Voyage).
Performant sur les scènes du monde, le regretté de la chanson targuie a créé de belles passerelles d’échanges entre les peuples et un dialogue dépassionné entre les Cultures, à l’instar de ses collaborations avec des groupes musicaux et des artistes d'Italie et autres pays.
Le témoignage de Tikoubawine
Dans ce contexte, Saïd Benkhira, membre du groupe targui «Tikoubawine» de Tamanrasset, a déclaré à l'APS que Othmane Bali est «une figure artistique éminente et un symbole de l'art targui et de la culture algérienne, ses chansons imprégnées de l'héritage ancestral resteront à jamais gravées dans nos mémoires».
«Il a également utilisé avec audace et professionnalisme le quart de ton et les ambiances de la musique orientale arabe», ce qui a insufflé un esprit particulier à la musique targuie, dont il était devenu le meilleur ambassadeur.
Othmane Bali est décédé à l'âge de 52 ans après avoir été emporté par les crues d’un oued déchaîné à Djanet, survenues entre les 16 et 17 juin 2005, suite à de fortes pluies torrentielles.
Retrouvé sans vie le 18 juin, il a été inhumé le jour d’après au cimetière d'Aghoum, à 1 km de Djanet.