L'historien français, Benjamin Stora, a souligné que Paris et Alger «sont condamnés à s'entendre» de par leur histoire et leur géographie, et que la France devrait accepter ce qu'est l'Algérie, insistant sur la nécessité d'admettre la «souveraineté algérienne» et son «nationalisme».
Intervenant, dimanche soir sur la chaine algérienne AL24news, M. Stora a affirmé que «la France et l’Algérie sont condamnées à s’entendre de par leur Histoire et leur géographie», soulignant qu'«il n'est pas possible que la France se désintéresse de ce qu'est l'Algérie, ce pays continent».
Donc, a-t-il poursuivi, «naturellement, les relations entre les deux pays seront reprises. Chaque crise est une opportunité de tirer des leçons et de repartir sur d’autres bases», a-t-il soutenu.
Pour l'historien français, ces nouvelles fondations doivent se baser sur l’acceptation par la France de la «souveraineté algérienne» et de son «nationalisme».
Connu par ses prises de position contre la colonisation française dans la question mémorielle, M. Stora a expliqué qu'il faut construire patiemment de nouveaux ponts entre le deux rives, à
travers un travail sur l'histoire, en rappelant le processus lancé par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune avec la création de la Commission mixte algéro-française Histoire et Mémoire.
Dans ce contexte, Benjamin Stora a exprimé l’espoir que le travail de reconnaissance reprenne rapidement, car les «jeunes générations» en ont un besoin impérieux.
Il a tenu à préciser à cet égard que les travaux des historiens dans le cadre de la commission mixte algéro-française «ont été littéralement percutés par la politique».
Et, a-t-il enchaîné, «j'espère qu'on retrouvera le chemin du travail scientifique, du travail historique, qui est tout à fait nécessaire, notamment pour les jeunes générations qui ont besoin de connaître cette histoire».
Evoquant, par ailleurs, la chronologie des terribles années de l'occupation française de l'Algérie (1830-1962), Benjamin Stora a rappelé que cela a été marqué par la dépossession des Algériens de leurs terres, les vols et les massacres d'Algériens, ce qui a constitué des crimes contre l'humanité. Des crimes qui ne sont pas dans «les manuels scolaires des Français », a-t-il déploré.
«La France a passé sous silence» cette période tragique, a-t-il regretté également, expliquant qu'il faut reconstruire cette histoire pour qu'elle soit accessible aux Français». A ce propos, il a cité la question des archives qui doivent être accessibles pour les historiens des deux rives.
Toutefois, l'historien français a dit craindre l'arrivée de l'extrême droite française au pouvoir: «Peut-être que d'ici deux ans, ces gens risquent d'arriver au pouvoir en France», dira-t-il. Il faut donc, a-t-il préconisé «sanctuariser ce qui a été déjà réalisé, c'est-à-dire la reconnaissance officielle par la France des assassinats et des enlèvements ...de sanctuariser le fait qu'il y a l'ouverture des archives et le partage des archives».
«Mon problème, c'est que si aujourd'hui ou demain, l'extrême droite arrive au pouvoir, elle va détricoter l'ensemble de ces mesures qui étaient un démarrage. J'en ai bien conscience. Ce n'était pas quelque chose d'extraordinaire. Ce n'était pas la fin d'un travail. C'était le démarrage d'un travail».
Interrogé sur le fait que certaines parties veulent «effacer» ou «réécrire» l'histoire , M. Stora s'est voulu rassurant en disant que « dans la jeunesse aujourd'hui, en France en particulier, et bien sûr en Algérie, chez les intellectuels, dans la presse... il y a beaucoup de monde qui est mobilisé pour empêcher cette réécriture de l'histoire».
«Il y a quand même une vraie prise de conscience. Je l'ai vu, moi même. Je suis invité beaucoup en France à faire des conférences par les lycéens, dans les maisons de jeunes, etc. J'ai énormément fait de conférences autour de toutes ces mesures qui ont été prises».
Toutefois, l'historien français a déploré le fait qu'il existe aujourd'hui en France des gens «qui sont au plus haut niveau de l'Etat, et qui ne reconnaissent pas cette histoire-là, qui ne veulent pas l'entendre, qui disent aujourd'hui que c'est du passé, tournons la page...».
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