La journée de ce mercredi marque une date majeure dans l’histoire politique et mémorielle de l’Algérie avec le vote de la loi criminalisant les crimes coloniaux français à l’Assemblée populaire nationale (APN). Qualifiée de « première africaine » par Abdelkader Soufi, expert en politique internationale, cette loi vise, selon ses propos, « à établir un cadre juridique clair pour qualifier, reconnaître et condamner les crimes commis par la puissance coloniale française en Algérie entre 1830 et 1962 ».
Ainsi, le convive de l’émission « L’invité du jour » de la chaîne 3 de la Radio algérienne, affirme que « cette loi, structurée en cinq chapitres, définit pour la première fois de manière exhaustive les crimes perpétrés durant plus de 130 ans de colonisation », ajoutant qu’« elle établit un cadre juridique précis pour des actes commis de 1830 jusqu’à 1962, ce qui constitue une avancée historique », expliquant que la nouveauté essentielle réside dans « la classification détaillée des crimes, incluant désormais des faits longtemps marginalisés ou passés sous silence ».
Enfin, une loi qui donne une qualification juridique claire
Parmi ces crimes figurent, selon lui, « la torture », « les exécutions sommaires », « les massacres de masse », « les enfumades », mais aussi « les kidnappings » et « les viols, des pratiques rarement reconnues dans les textes officiels auparavant ».
« Cette loi définit tous les types de crimes qui ont été commis et recensés, et leur donne enfin une qualification juridique claire », souligne Abdelkader Soufi, soulignant que « ces actes sont désormais reconnus comme des crimes contre l’humanité, voire comme un génocide, ce qui, selon lui, honore le travail des rédacteurs du texte et celui du Parlement algérien ».
L’expert estime que cette initiative marque la fin d’une longue période de retenue diplomatique de la part de l’Algérie. « L’Algérie a longtemps été cordiale dans sa relation avec la France, mais le retour n’a jamais été à la hauteur », affirme-t-il. Il rappelle que, depuis 1962, la majorité des accords conclus ont davantage servi les intérêts français que ceux de l’Algérie. Pour lui, « l’adoption de cette loi intervient dans un contexte charnière où il devenait nécessaire de faire évoluer la position officielle de l’État algérien ».
Quid de la glorification de la colonisation française ?
Un autre volet central du texte concerne l’interdiction de la glorification de la colonisation française. Ce point est considéré par Abdelkader Soufi comme fondamental. « Il n’y a rien à glorifier dans une occupation qui a commis des massacres, torturé des Algériens et pillé les richesses du pays pendant plus de 130 ans », insiste-t-il, estimant que la loi introduit ainsi des dispositions pénales visant toute tentative « de justification » ou « d’exaltation » du colonialisme, notamment dans les discours publics ou médiatiques.
Cette mesure vise particulièrement les discours nostalgiques de « l’Algérie française », encore présents dans certains cercles politiques et médiatiques. « Parler des prétendus bienfaits du colonialisme, c’est ignorer qu’il s’est construit sur les corps et le sang des Algériens et des Africains », déclare M. Soufi, rappelant que les infrastructures souvent mises en avant ont été édifiées par une main-d’œuvre exploitée et dans un contexte de violence systémique.
La restitution des biens et des archives à l’ordre du jour
La loi aborde également la question cruciale de « la restitution des biens et des archives ». Abdelkader Soufi souligne que « de nombreuses archives relatives à la guerre d’occupation et à la Révolution algérienne sont toujours détenues par la France. « La revendication de la restitution des archives nationales est une exigence concrète et légitime », affirme-t-il, rappelant que « ces archives ne se limitent pas à la période coloniale, mais incluent aussi des documents antérieurs à 1830, appartenant au Royaume d’Algérie, et qui ont été pillés lors de l’invasion ».
Outre les archives, la loi exige également la restitution de biens matériels, dont certains ont une valeur historique, culturelle et archéologique considérable. « La France a emporté des objets, des statues, des structures entières, qui ne relevaient pas seulement d’une valeur monétaire », précise l’expert, dénonçant le refus persistant de restitution.
La question cruciale des séquelles matérielles et humaines durables
D’autres dispositions concernent les séquelles humaines et matérielles durables de la colonisation, notamment la question des mines antipersonnel et des essais nucléaires. Abdelkader Soufi rappelle que « l’Algérie ne dispose toujours pas de toutes les cartes des zones minées laissées par l’armée coloniale. Quant aux sites nucléaires, leur contamination continue d’affecter plusieurs générations ».
« C’est un crime contre l’humanité qui se poursuit encore aujourd’hui », affirme-t-il, soulignant que les retombées radioactives ont touché non seulement l’Algérie, mais aussi d’autres régions d’Afrique et même de l’Europe.
La loi consacre le principe de l’imprescriptibilité des crimes coloniaux
Enfin, la loi consacre le principe de l’imprescriptibilité des crimes coloniaux. Pour Abdelkader Soufi, il s’agit d’un point essentiel face aux discours appelant à « oublier le passé ». « Comment aller de l’avant sans reconnaître et réparer ce qui a été commis ? », interroge-t-il, rappelant que « les traumatismes psychologiques, environnementaux et sanitaires sont toujours présents, rendant toute idée de prescription moralement et juridiquement inacceptable ».
Pour Abdelkader Soufi, » ce texte ne vise pas la revanche, mais la justice, la vérité et la reconnaissance d’un passé dont les conséquences continuent de marquer le présent ».
Farid B-Radio Algérie Multimédia
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