Les explosions nucléaires françaises dans le sud algérien constituent «un crime d'Etat prémédité» contre le peuple algérien et s'apparentent à un «génocide en différé» qui continue à faire des victimes, affirme le président de l'Association nationale des victimes de ces explosions, Pr Amar Mansouri, déplorant le fait que la France cherche à «gagner du temps» sur ce dossier.
Les explosions nucléaires françaises dans le sud algérien «sont un crime d'Etat prémédité contre un peuple sans défense et contre l'humanité, car orchestré au plus haut niveau de l'ex-puissance coloniale», a déclaré à l'APS Pr Mansouri à la veille de la commémoration du 63e anniversaire de ces explosions nucléaires.
Des explosions qui, selon lui, ont été menées par la France «en parfaite connaissance des dangers de cette arme», qualifiant ce fait de «génocide en différé» qui continue à «faire des victimes parmi la population du sud algérien».
Tout en relevant «la responsabilité entièrement engagée» de la France pour cela, il a rappelé que le Général de Gaulle avait mis en exécution le plan nucléaire français en 1945, en dépit de l'onde de choc des explosions de Hiroshima au Japon. «En voulant entrer par la grande porte au club nucléaire mondial, la France a abusé du sol algérien au mépris de la population locale, mais aussi de la résolution onusienne et du moratoire des puissances nucléaires interdisant les essais nucléaires aériens, en raison de leurs effets polluants sur le globe terrestre», a-t-il commenté.
«Lorsque la France avait prévu des dosimètres pour évaluer les doses de rayons reçues par les habitants du Sahara, ce n'était nullement par souci pour leur santé, mais pour les besoins des études scientifiques. Et même lorsque la France a promulgué la loi Morin, le terme de reconnaissance qui y est stipulé est destiné aux soldats français et non aux Algériens», a-t-il déploré.
Au sujet du nombre de victimes de ces explosions qui serait de l'ordre de 42.000, selon les données de l'Organisation nationale des Moudjahidine (ONM), le chercheur considère que ce chiffre «est en-deçà de la réalité, car depuis 1962, le nombre de personnes décédées des suites de ces essais ne cessait d'augmenter».
Ancien chercheur au Centre de recherche nucléaire d'Alger, Pr Mansouri a fait remarquer que la victime d'un rayonnement ionisant est très particulière, citant, à ce propos, une étude sur la génétique selon laquelle l'impact des rayons ionisants s'étale sur 22 générations.
«En général, il s'agit de l'apparition de plusieurs pathologies comme le cancer, les malformations, les cécités, les maladies cardio-vasculaires, les surdités et la stérilité, en plus des retombées psychologiques induites par le fait de vivre dans un environnement pollué.
«Il faut savoir que lorsqu'une bombe nucléaire explose, elle propulse des produits déficients comme le plutonium et le césium qui sont des éléments extrêmement nocifs pour l'être humain et l'environnement», a-t-il expliqué.
D'autre part, Pr Mansour affirme que la France est entièrement responsable de ces explosions, mais elle refuse de reconnaitre ses crimes et cherche plutôt à gagner du temps sur ce dossier plus précisément.
A ce propos, il rappelle qu'en quittant, en 1967, le Sud algérien, en vertu des Accords d'Evian, la France «n'avait pas pris la peine d'avertir les Algériens sur les dangers nucléaires et avait pris le soin d'emporter toutes les archives liées à ce dossier».
«Aujourd'hui, il est du devoir de la France d'indemniser les victimes de ces explosions et leurs descendants parmi les mobilisés du programme nucléaire français, appelés à l'époque +les populations laborieuses des oasis+ (PLO) et les +populations laborieuses du bas du Touat+ (PLBT)», a-t-il mentionné.
S'insurgeant contre la politique de «deux poids, deux mesures» pratiquée par l'ancien colonisateur, Pr Mansouri a appelé la France à reconnaitre ses crimes coloniaux et à procéder à l'indemnisation des victimes et au nettoyage total des sites infectés comme elle l'a fait en Polynésie.
«Il existe plusieurs mécanismes pour régler ce contentieux, soit dans un cadre bilatéral ou par le biais de la justice internationale», relève le même intervenant qui suggère l'organisation, sous l'égide de l'ONU, d'une conférence internationale sur cette question.