Mahfoud Kaoubi : « la visite d’Etat du président de la République en Russie vient renforcer le partenariat stratégique »

Mahfoud Kaoubi 15juin2023
15/06/2023 - 12:26

À l’invitation du président russe, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s’est rendu en Fédération de Russie pour une visite d’Etat de trois jours. « Une visite symbolique, mais pleine de contenu aussi bien politique, stratégique, qu’économique », commente, ce jeudi, Mahfoud Kaoubi, expert en politique géoéconomique et financière.

« L’inauguration, hier, de la stèle de l’émir Abdelkader, démontre une reconnaissance d’un Etat algérien encré dans l’histoire, contrairement à ce que veulent présenter certains réseaux », analyse le spécialiste, questionné dans l’émission l’Invité de la rédaction de la Chaine 3 de la Radio Algérienne.  

Mais au-delà de la symbolique, les enjeux sont avant tout économiques selon l’expert : « l’Algérie est en train de relancer son économie et de se repositionner sur l’échiquier international, en diversifiant son économie et en devenant un acteur principal sur les plans régional et africain. De l’autre côté, la Russie qui, forte de son conflit avec l’Ukraine, est en train de retisser de nouveaux rapports avec  les pays émergeants qui auront un rôle à jouer encore plus important ».

« C’est ce qui ressort du discours prononcé avant-hier par le Président Poutine dans lequel il annonce déjà la naissance d’un monde multipolaire, où les pays émergeants qui disposent d’énormes potentialités de développement auront à prendre les responsabilités aussi bien sur le plan institutionnel que sur le plan économique et géostratégique », explique Mahfoud Kaoubi.

«  L’Algérie et la Russie ont déjà signé des accords de partenariat stratégique en 2011, qui, à l’occasion de la visite d’Etat du Président de la République en Russie, viennent être actualisés en fonction de la reconfiguration du monde sur le plan géostratégique et du rôle que les deux pays veulent jouer », précise le spécialiste.

Des échanges commerciaux en deçà des potentialités

Pour autant, il juge que la relation commerciale entre les deux pays doit être renforcée : « Les échanges commerciaux entre l’Algérie et la Russie n’excèdent pas les 3 milliards de dollars par an et sont à 95% en faveur de la Russie, dans la mesure où nous n’exportons que 30 millions de dollars vers ce pays d’où nous importons pratiquement 2 milliards 970 millions de dollars, principalement des équipements, des produits agricoles et des produits chimiques », détaille Mahfoud Kaoubi.

« Les exportations algériennes vers la Russie peuvent être multipliées à l’avenir, à condition de mettre en place les mécanismes de partenariats et de création de valeur ajoutée », insiste l’expert.

Conflit en Ukraine : « la guerre de trop »

Le spécialiste prédit une reconfiguration mondiale au sein de laquelle l’Algérie doit se positionner avec ses partenaires de choix. « La situation post-covid ainsi que celle née de la guerre ukrainienne ont démontré que la sécurité énergétique est la principale préoccupation des grandes nations. L’Europe vit d’énormes difficultés pour assurer cette sécurité énergétique », analyse l’expert, avant de poursuivre :  « par conséquent, une recomposition du marché est en train de s’opérer, avec l’émergence des pays des Brics, qui sont à la fois consommateur et producteur, et représentent une part de plus en plus importante dans la production mondiale de l’énergie brute et dans le commerce international », explique Mahfoud Kaoubi, qui estime que « ces cinq pays ont déjà détrôné les membres du G7 en matière de poids dans l’économie mondiale ».

Selon lui, « l’organisation des Brics n’est pas un groupe symbolique et a démontré qu’elle avait une stratégie à long terme, qui a payé durant cette crise avec l’Occident ». « Après avoir déstabilisé, l’Irak, l’Afghanistan, la Libye et la Syrie, l’Europe veut déstabiliser la Russie avec la guerre en Ukraine qui est la guerre de trop », juge Mahfoud Kaoubi, avant de poursuivre : « nous voyons maintenant que l’objectif final était de pousser la population vers la rue contre l’embargo et la destitution de Poutine. Mais la Russie a donné aux pays européens une leçon de résilience et de capacités à faire face aux embargos. Ainsi, la Russie constitue un exemple à suivre pour l’Algérie ».

« Se positionner en Afrique passera nécessairement par l’Algérie »

La Russie a multiplié les opérations de consolidation d’axes stratégiques avec les pays émergeants, que ce soit en Amérique Latine, en Asie ou en Asie centrale, mais aussi en Afrique. Depuis quelques années déjà, la Russie accorde une importance capitale à son positionnement sur le continent africain, qui, il faut le rappeler, constitue un terrain de bataille entre les différentes puissances.

Avec la Zlecaf, l’Afrique sera la zone la plus importante en termes de dimension, avec 55 pays et plus d’un milliard 500 mille habitants. Le continent sera le plus grand terrain qui connaitra la croissance à l’avenir et dispose de grands moyens en termes de ressources énergétique et humaines.

Au niveau africain, l’Algérie est le plus grand pays en superficie et se classe parmi les trois premiers pays en termes de potentialités stratégiques, économiques et humaines. Ainsi, toute nation qui veut se positionner sur le continent passera nécessairement par l’Algérie, qui dispose d’avantages tels que la stabilité institutionnelle et sécuritaire ainsi que les moyens énergétiques et infrastructurels, faisant de notre pays un partenaire de choix pour les pays émergeants qui souhaitent être des acteurs importants sur le marché africain.

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