Accord UE-Maroc : le Front Polisario présentera en décembre un recours devant le Tribunal général de l'UE

Accord UE-Maroc : le Front Polisario présentera en décembre un recours devant le Tribunal général de l'UE

Oubi Bouchraya
03/12/2025 - 18:00

Le Front Polisario présentera en décembre un nouveau recours contre l'accord Union européenne-Maroc sur les produits agricoles devant le Tribunal général de l'Union, a annoncé le conseiller spécial du secrétaire général du Front Polisario pour les ressources naturelles et les affaires juridiques, Oubi Bouchraya. 

«Le Front Polisario présentera en décembre un nouveau recours contre cet accord devant le Tribunal général de l'UE, qui constitue la première instance», a-t-il affirmé dans un entretien avec le quotidien espagnol «El Independiente», publié cette semaine.

Il a souligné, à ce titre, que le Polisario contestera la signature de l'accord dans sa forme d'application provisoire. Et si l'accord est finalisé, par la suite, par la ratification et le vote des Etats et des parlementaires, le Front contestera le nouvel accord dans sa forme définitive.

Toutefois, Oubi Bouchraya, espère pouvoir faire tomber cet accord sans devoir attendre une nouvelle décision des juges.

«A partir du vote en séance plénière du 26 novembre, une dynamique beaucoup plus positive s'ouvre pour faire tomber l'accord, sans qu'il soit probablement nécessaire que les juges l'annulent à nouveau», a-t-il indiqué.

Ce jour là, le Parlement européen, à une seule voix près, n'a pas bloqué l'étiquetage controversé des produits sahraouis comme marocains, en contradiction avec ce qu'a établi la justice européenne. Mais, 359 députés ont voté en faveur du rejet, soit la majorité.

«L'accord précédent a été voté en janvier 2019 par une majorité de 444 voix. Aujourd'hui, l'équilibre a totalement changé. Le 20 novembre, tous les membres de la commission de l'agriculture ont unanimement rejeté l'étiquetage, et la Commission n'a avancé aucun argument convaincant. Le 26 novembre, 359 voix ont voté en faveur du rejet, soit la majorité. Désormais la balance penche en notre faveur», s'est-il félicité.    

De plus, un autre processus s'ouvre au sein du Parlement européen et de sa commission du commerce international, afin de demander un avis consultatif à la Cour de justice de l'UE sur la conformité de ce nouvel accord avec les arrêts du 4 octobre 2024.

«Nous sommes face à une violation claire et flagrante des décisions de la CJUE», rappelle, à ce titre, ce responsable sahraoui.

Selon lui, une autre opportunité se présentera lorsque l'accord entrera dans la seconde phase du processus, précisant que «l'accord est à présent signé en application provisoire, mais le Parlement (européen) devra le ratifier. Ce sera une autre occasion de le faire tomber».

Il a indiqué, à ce propos, que le vote devrait avoir lieu «dans les trois premiers mois de l'année prochaine».

M. Oubi Bouchraya s'est dit confiant quant aux chances d'obtenir une nouvelle annulation de l'accord devant la justice européenne.

«D'abord parce que l'accord viole la procédure, la Commission ayant négocié pendant des mois avec le Maroc sans aucune autorisation formelle du Conseil. Elle a reçu le feu vert pour commencer les négociations le 10 septembre et a finalisé l'accord le 15 septembre. Personne ne peut comprendre une négociation aussi brève pour un accord d'une telle importance, d'autant que l'accord précédent avait exigé près de neuf mois de négociations. Cela confirme la suspicion que la Commission négociait en réalité depuis plusieurs mois, depuis octobre 2024, avec le Maroc, à l'insu même des Etats membres», a-t-il expliqué.

Deuxièmement, a-t-il poursuivi, «pour obtenir l'autorisation de signer l'accord, elle (la Commission européenne) a choisi la procédure expresse, un vote écrit des Etats membres, sans possibilité de débat».

Pour le conseiller spécial du secrétaire général du Front Polisario «l'application provisoire (de l'accord) est également discutable, puisqu'elle prive le Parlement de tout rôle, alors même que la négociation exclut totalement le peuple sahraoui, titulaire du droit à l'autodétermination et dont le consentement est indispensable».

Interrogé sur le nouvel accord de pêche que l'UE s'apprête à négocier avec le Maroc, il a estimé que cet accord «serait une violation encore plus flagrante que l'accord commercial», car la Cour l'a annulé avec effet immédiat.

«Dans l'accord de pêche, c'est l'UE elle-même qui exploite directement les ressources. Il contribue à renforcer l'occupation économique du territoire et pire encore la colonisation démographique», a-t-il déploré, affirmant que les deux accords entre l'UE et le Maroc entraînent pour les Sahraouis «des pertes d'environ 800 millions d'euros par an» en raison du pillage de leurs ressources.

Il a fait savoir, par ailleurs, que le Front Polisario travaille sur certains dossiers d'entreprises afin de dénoncer leurs activités au Sahara occidental.

«Pour nous, depuis l'arrêt de la CJUE, les entreprises européennes n'ont plus de base juridique pour opérer au Sahara occidental. Nous travaillons à dénoncer certaines d'entre elles et nous espérons avancer sur ce terrain», a-t-il ajouté.

Source
APS