« La numérisation est le bon chemin à prendre, car les pays qui ont réussi ont placé cette action au plus haut niveau de l’Etat ». C’est ce qu’a déclaré, ce matin, le directeur de l’Ecole nationale supérieure de l’informatique (ENSI), le professeur Mouloud Koudil, lors de son intervention à l’émission L'Invité de la rédaction de la chaîne 3 de la Radio Algérienne.
Commentant la décision prise, hier dimanche lors du Conseil des ministres, par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, d’accélérer la cadence du travail pour entamer la deuxième phase du processus de numérisation, M. Koudil a indiqué que « tous les secteurs du pays sont concernés et tout le monde devra travailler, de manière coordonnée, dans le même sens pour réussir ce challenge », affirmant que « cette démarche devra être supervisée et coordonnée par un chef d’orchestre au plus haut niveau de l’Etat ».
A la question de savoir comment accélérer cette cadence et rattraper le retard accusé dans la numérisation de l’ensemble des secteurs, M. Koudil a expliqué qu’« il ne s’agit pas d’une industrialisation où nous avons besoin de gros matériels. Le retard est rattrapable. Il faudra de la volonté, une feuille de route, une stratégie et laisser travailler ceux qui sont engagés dans ce processus ».
Du coup, estime M. Koudil, « tout est basé sur la ressource humaine. Les pays qui se sont suffis de l’acquisition de matériels se sont trompés, car on finit par numériser de mauvaises pratiques. Il faudra des personnes qui prennent à bras-le-corps ce genre de projet avec une ressource humaine qualifiée, car c’est la clé du succès ».
« Former aux standards internationaux »
« S’il y a un domaine qui devra être plus agile dans cette mutation, c’est bien la formation », a développé M. Koudil, citant une enquête menée aux Etats-Unis d’Amérique et selon laquelle « 80% des métiers de 2030 sont encore inconnus. Aujourd’hui, il faut former pour les besoins du pays certes, mais faudra-t-il aussi former aux standards internationaux auxquels on est appelés à s’inscrire. Après, il faut un dialogue entre tous les partenaires de tous les secteurs pour identifier leurs besoins en formation et créer justement une synergie».
Aux yeux de M. Koudil, la fracture numérique est « facile à combler et ne nécessite pas de très gros moyens. Formons, et on y arrivera très rapidement. De même qui'il faudra aussi faire face à la mobilité mondiale pour garder et faire revenir les talents formés chez nous. Et ça, c’est un autre combat. Nous formons peu et nous perdons beaucoup de talents. Même les Etats-Unis n’arrivent pas à faire face à cette mobilité, tant interne qu’externe».
« Lutter contre la résistance »
Abordant la résistance qui risque de freiner le processus de numérisation en Algérie, M. Koudil a estimé qu’«il faudra imposer une stratégie et une feuille de route. C’est très important, sinon chaque entité ira dans son sens. Du coup, il faut un chef d’orchestre qui mène le projet et coordonne les efforts (…) Je ne crois pas trop au choc générationnel, moi-même je suis âgé et je crois au numérique ! ».
Pour l’intervenant, « la résistance au processus de numérisation est humaine et il faut lutter contre cette fermeté à vouloir travailler avec des méthodes révolues. Il faut convaincre et imposer de nouvelles méthodes ».
Pour M. Koudil, « il faudra investir davantage dans la numérisation et l’intelligence artificielle pour arriver à répondre à nos besoins. Dans certains pays, ces investissements se chiffrent à plusieurs milliards de dollars, car les enjeux sont importants et majeurs. Après, il faudra également moderniser le fonctionnement des institutions, sinon on va numériser à tort. Aujourd’hui, il est vital d’avoir des données numérisées et protégées ».
Citant le cas des entreprises, il dira qu’« avoir des données, c’est détenir l’information et mieux connaitre ses clients pour fournir un bon service. Jeter l’information, c’est suicidaire. Aujourd’hui, on n’a peur de la chose qu’on ne connait pas, mais si on se projette dans la formation et les bonnes pratiques, il y aura un retour sur investissement. »
Partant de ce constat, M. Koudil plaide pour l’implication des personnes hautement qualifiées avec des juristes pour préparer la deuxième phase de la numérisation en Algérie. « Il faut des lois qui protègent et elles existent. Après, il faudra inspecter les algorithmes et les données qui pourraient venir d’ailleurs. A mon avis, il faut qu’il y ait des lois sur toutes les pratiques du domaine du numérique et du traitement de données », a encore indiqué M. Koudil.
Farid Belgacem