Nazim Sini : « Le système de gouvernance mondial et son pouvoir décisionnel ne sont plus d’actualité »  

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21/02/2024 - 12:59

L’Algérie regrette par la voie de son représentant à l’ONU le nouveau rejet d’un cessez-le-feu à Ghaza par un veto des Etats-Unis. « Une caution pour le crime de Ghaza qui a révélé les réels acteurs de cette guerre génocidaire », déplore lors de son passage à l’émission L’invité de la rédaction, de la chaine 3 de la Radio Algérienne, le professeur Nazim Sini, spécialiste des questions internationales.

« C’est un veto déplorable qu’il faut dénoncer, sachant que ce projet de résolution qu’a porté l’Algérie a obtenu l’adhésion de tous les pays arabes, puisque nous avons eu treize votes favorables avec un veto US et l’abstention de la Grande Bretagne, qui est une première », appuie M. Sini, poursuivant qu’« aujourd’hui il faut demander un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel, sans équivoque et laisser, surtout, l’entrée de l’aide humanitaire dans le territoire de Ghaza ».

 

L’injustice par le veto

Aujourd’hui, poursuit l’intervenant, on octroie des leviers puissants entre les mains de certains pays, faisant référence aux cinq pays détenteurs du droit de veto, qui sont la Chine, la Russie, la Grande Bretagne, la France et les Etats-Unis. Ce qui fait, selon lui, que tout projet de résolution peut-être bloqué à tout moment et ça dénature, voire « faire perdre son essence de ces institutions-là », se demandant « quel est l’intérêt de ces dernières si c’est pour bloquer des décisions ». 

Dans ce contexte, « on est appelé à réformer le système de gouvernance mondial et le Conseil de sécurité », appelle-t-il, et cela, précise-t-il, « est valable pour toutes les institutions annexes de l’ONU, dont celles financières, comme la Banque mondiale ».

L’objectif est, selon lui, de démocratiser ces institutions, et de rendre la voix à l’Afrique, aux pays asiatiques et d’Amérique Latine dont le poids démographique est sous représenté, rappelant que « ces institutions sont nés après la seconde Guerre mondiale et les victorieux ont marginalisé des continents qui ont, à côté des autres populations, une voix et des intérêts à défendre ».

« Il faut réformer non seulement la représentativité mais, aussi le système décisionnel », suggère-t-il, insistant qu’« il n’est plus acceptable que l’on puisse avoir un droit de veto qui annule tout type de résolution ».

S’agissant de l’impact de la vaste mobilisation, à travers le monde et qui pourrait influer sur les réformes des institutions internationales, notamment le Conseil de sécurité de l’ONU, l’orateur estime que « quand on voit le fait anormal d'un droit de veto immuable bloquant toute sorte de résolution, le fonctionnement d’une Organisation mondiale censé être démocratique, n'est plus d’actualité », affirme-t-il.

La mobilisation humanitaire change la donne

Sur la triste réalité du terrain, l’orateur rappelle qu’on est à près de 30 000 martyrs palestiniens, dont les deux tiers de femmes et d’enfants, sans aucune aide internationale qui rentre à Ghaza. Un million et demi d’habitants déplacés et contraints de quitter le nord pour aller vers le sud à Rafah où ils subissent les bombardements.

«Où partira cette population de Ghaza à l’abri nulle part ?», s’est interrogé M. Sini, soulignant la forte mobilisation des chancelleries occidentales pour demander justement un cessez-le-feu. « Toutefois, certaines, ne comprennent pas comment peut-on interdire l’entrée de l’aide humanitaire dans l’enclave de Ghaza », regrette-t-il.

 Et de préciser : « seules Madrid, Bruxelles et Dublin se sont mobilisés auprès de l’Occident pour dénoncer ce qui se passe dans ce territoire assiégé et dénoncer cet état de fait ».

Heureusement, optimise-t-il, la forte mobilisation dans les capitales de l’Union européenne, et un peu partout ailleurs, a tendance à changer la donne. L’intervenant cite, entre autres, Londres dont l’effet a amené la Grande Bretagne à s’abstenir de voter, hier mardi, pour la première fois.

« C’est ce qui a amené le prince William, une personnalité de poids au royaume de Charles III, de sortir de son mutisme pour « demander un cessez-le-feu immédiat ». Cela démontre, de son avis, que la mobilisation enregistrée est le fait des images parvenues à l’opinion publique britannique et mondiale.

Cette mobilisation a poussé des pays à se désolidariser des sionistes, comme l’Espagne, l’Irlande, l’Allemagne et le Royaume Uni, tout comme au niveau des médias qui ont changé de discours par rapport à ce qui se fait à Ghaza. « Je pense qu’on va assister à un revirement de situation et la pression va s’accentuer en effet sur l’entité sioniste », fait-t-il savoir.  

Cette mobilisation, décrit-il, est la prise de conscience envers l’effet dévastateur de l’agression génocidaire sioniste qui a fait un désastre humain, outre 80% des infrastructures à Ghaza qui sont détruites, des hôpitaux saturés, une population, prise injustement en l’étau sur un petit périmètre à la frontière égyptienne, sans eau et sans électricité.

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