L'arène juridique internationale est, depuis ce jeudi matin, le témoin d'un événement majeur alors que la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye examine la demande en indication de mesures conservatoires présentée par l'Afrique du Sud le 29 décembre 2023 contre l’agression sioniste, aussi aveugle que revancharde, dans la bande de Ghaza.
Et si les crimes et le génocide commis contre la Palestine sont, jusqu’ici impunis, ils suscitent une attention mondiale dès lors qu’ils sont portés devant une juridiction internationale qui aura à statuer sur une plainte de l’Afrique du Sud, sachant que, dans sa requête de 84 pages, Pretoria a souligné « le poids particulier de la responsabilité de l'accusation de génocide contre l’entité sioniste ».
En effet, Pretoria a demandé à la CIJ d’ordonner à l'occupation sioniste de « cesser de tuer et de causer de graves atteintes mentales et physiques au peuple palestinien à Ghaza, de cesser de lui imposer délibérément des conditions de vie destinées à entraîner sa destruction physique en tant que groupe, et de permettre l’accès à l’aide humanitaire ».
Ce que prévoit la Convention de 1948
Face à ce lourd bilan, Pretoria invoque « ses droits et obligations » afin de prévenir le génocide et « de protéger les Palestiniens de Ghaza de la destruction » notant que ces droits et obligations s’exercent dans le cadre de la Convention de 1948 des Nations unies sur la prévention et la répression du crime de génocide.
Ainsi, la Convention prévoit que des Etats puissent saisir la justice pour empêcher un crime de génocide de se produire, comme elle fait obligation aux Etats parties de la Convention de prendre des mesures pour prévenir et réprimer le crime de génocide.
Cette obligation, ainsi que l’interdiction de commettre un génocide, sont considérées comme des normes du droit international coutumier et s’imposent à tous les Etats, qu’ils fassent ou non partie des 153 pays à avoir ratifié ladite Convention.
En ce sens, les mesures conservatoires demandées par l’Afrique du Sud pour faire cesser l'agression, si elles sont prises par la CIJ, s’avèrent contraignantes juridiquement. Cette procédure est séparée d’une autre affaire concernant l'entité sioniste et la Palestine, portée par l’Assemblée générale des Nations unies devant la CIJ.
Un avis consultatif « sur les conséquences juridiques des pratiques et politiques de l'occupation dans le Territoire palestinien occupé, y compris Al-Qods Est », a en effet été demandé à la CIJ par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 30 décembre 2022. Cette procédure doit faire l’objet d’une audience publique le 19 février prochain, après réception de rapports écrits par de nombreux Etats.
Adila Hassim accuse: « les Ghazaouis au bord de la famine »
Les opérations militaires en cours de l’entité sioniste dans la bande de Ghaza ont poussé la population au « bord de la famine » , a déclaré, lors de l’ouverture des audiences à la CIJ de La Haye, l’avocate de l'Afrique du Sud, Adila Hassim, soulignant que « la situation est telle que les experts prédisent désormais que plus de personnes à Ghaza pourraient mourir de faim et de maladies que par une action militaire directe » .
Pour sa part, le ministre sud-africain de la Justice, Ronald Lamola, a affirmé devant la plus haute juridiction de l’ONU qu’« aucune attaque armée sur le territoire d'un Etat, aussi grave soit-elle ne peut justifier une violation de la convention », soulignant que l’agression sioniste qui dure depuis le 7 octobre 2023, « a franchi cette ligne et a donné lieu à des violations de la Convention ».
Avant d’entamer sa plaidoirie, Ronald Lamola avait déclaré aux médias que « cette affaire est importante pour mettre fin au génocide qui se déroule actuellement dans la bande de Ghaza ».
Rassemblements pour soutenir la plainte de Pretoria
Des dizaines de manifestants se sont retrouvés, ce jeudi, au Cap et d'autres rassemblements sont organisés dans plusieurs autres villes en Afrique du Sud pour soutenir la plainte de Pretoria pour « génocide» contre l’entité sioniste. Aux alentours de la haute Cour du Cap, des manifestants pro-palestiniens ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Arrêtez le génocide », « Boycottez l’apartheid israélien » et « Palestine libre ».
Les Sud-Africains estiment que l’entité sioniste « s'est livrée, se livre et risque de continuer à se livrer à des actes de génocide contre le peuple palestinien à Ghaza ».
Il convient de rappeler que le Congrès national africain (ANC) a toujours soutenu la cause palestinienne, qu’il a, par ailleurs, associée à la lutte contre l'apartheid, sachant que Nelson Mandela avait ainsi affirmé que « la liberté de l'Afrique du Sud serait incomplète sans celle des Palestiniens ».
Plus de 200 juristes montent au créneau
Plus de 200 professeurs et experts en droit international ont annoncé, ce jeudi, leur plein soutien et appui à la plainte intentée par l'Afrique du Sud devant la CIJ.
Dans une lettre ouverte reprise par l'agence de presse palestinienne Wafa, les juristes ont déclaré qu’« en tant qu'universitaires et praticiens du droit international, des études sur le génocide, des études internationales et des domaines similaires liés à la justice mondiale, nous exprimons notre plein soutien à la plainte intentée par l'Afrique du Sud devant la CIJ », relevant qu'une telle démarche « est de nature à permettre un cessez-le-feu à Ghaza ».
La Belgique et l’Indonésie de la partie
Hier mercredi, la vice-Première ministre belge, Petra De Sutter, a également fait part, de son soutien à la plainte déposée par Pretoria devant la (CIJ), soulignant que « la Belgique devrait agir de même (…) Nous devons agir contre la menace de génocide à Ghaza. Je souhaite que la Belgique agisse devant la CIJ, à l'instar de l'Afrique du Sud. Je proposerai cela au sein du gouvernement belge », a-t-elle écrit dans un message posté sur la plateforme X (anciennement Twitter).
De son côté, l'Indonésie a apporté son soutien à l’action intentée par l'Afrique du Sud contre l'entité sioniste devant la (CIJ). « Tant sur le plan moral que politique, l'Indonésie soutient pleinement l'initiative de l'Afrique du Sud visant à pousser la CIJ à réagir au génocide à Ghaza », a déclaré Lalu Muhammad Iqbal, porte-parole du ministère indonésien des Affaires étrangères.
Farid Belgacem