« L’impératif de convergence de vue des pays exportateurs de gaz est devenu une question primordiale puisque le gaz constitue, désormais, un enjeu géopolitique majeur », a déclaré, ce mercredi, le spécialiste en économie internationale, Dr Mohamed Achir.
S’exprimant à l’émission L’Invité de la Rédaction de la chaîne 3 de la Radio Algérienne, il a souligné que « le gaz est devenu un enjeu géostratégique et s’impose aujourd’hui telle une nouvelle donne sur l’échiquier énergétique mondial, surtout depuis l’épidémie de la Covid-19, suivie du conflit russo-ukrainien ».
« Ce sont là des facteurs, entre autres comme l’arrivée du GNL, qui ont amorcé le début d’internalisation du marché gazier », indique-t-il. Le gaz, rappelle M. Achir, était un marché régionalisé, à savoir l’Europe, l’Amérique du nord et l’Asie.
« Ce qui a fait des confrontations pour le contrôle des ressources énergétiques », selon lui, rappelant que l’économie est corrélée à la disponibilité des ressources énergétiques. Une corrélation toujours plus forte entre le pétrole, le gaz et la croissance économique.
« En raison de cette corrélation que le contrôle énergétique a été toujours un enjeu stratégique et politique dont la puissance des Etats comme la Chine, les Etats-Unis et la Russie en dépende étroitement, et aussi de leurs réserves énergétiques, de leurs productions et de leurs capacités à transformer cette énergie», explique encore M. Achir.
Les membres du GECF appelés à établir une feuille de route stratégique
En face, il y a les pays membres du Forum GECF qui doivent être en position de force pour défendre leurs intérêts. Mais ils ne peuvent l’être, de l’avis de M. Achir que s’ils arrivent à établir une feuille de route stratégique et travailler ensemble à moyen et long terme. « Certes ils sont détenteurs de 40% de réserves mondiales de gaz, mais ils ne vont pas peser séparément sur le marché gazier face à des producteurs important comme l’Australie, le Canada, la Norvège, les Etats-Unis...etc. »
«L’Algérie est dans cette approche», dit-il, citant le nouvel Institut de recherche qui sera inauguré lors du sommet GECF d'Alger. Cet Institut dont la mission s’inscrit dans la durée est, selon lui, spécialisé dans la technologie de gaz, le développement d’exploitation et la transition énergétique.
« Les pays du GECF doivent travailler ensemble, doivent constituer une force et vont justement défendre leurs intérêts. Car le gaz est aujourd’hui menacé de la taxe carbone ainsi que des menaces qui pèsent sur les produits à base de gaz », avise-t-il.
Le Sommet qui doit dépasser le conjoncturel, intervient dans un contexte particulier, poursuit ce professeur, surtout que le gaz n’est pas aussi important à la hauteur du pétrole au marché énergétique mondial pour se frayer une place par rapport à l’Europe pour le GNL et par rapport aux spots (marché libre), mais également par rapport aux Conférences du climat des Nations unies.
« Les pays du GECF n’ont pas de choix que de travailler ensemble et dans la cohésion pour défendre leur souveraineté et s’imposer en puissance mondiale afin de déjouer cette volonté de continuer la colonisation de manière indirecte avec de nouveaux instruments qu’on appelle la néo-colonisation ou le néo-impérialisme », suggère-t-il.
« C’est cette injustice que l’Algérie a dénoncé en 1974 en appelant à une justice dans les relations internationales, d’où l’appel pour un nouvel ordre économique mondial », rappelle le maitre de conférences en géoéconomie.
La souveraineté énergétique avant tout
Cette cohésion dit-t-il, doit passer par nationaliser ses ressources, comme l’a fait l’Algérie en 1971. « Cette nationalisation, explique-t-il, est aussi la construction d’une capacité nationale d’exploitation, à l’exemple de l’Algérie qui est aujourd’hui souveraine par rapport à ses ressources de sous-sol, car il y a ce principe de souveraineté nationale dont elle est jalouse. L'Algérie a su construire une compétence en capital humain et un capital technique comme Sonatrach, qui ont fait que l’Algérie puisse aujourd’hui imposer le 51/49 lui permettant de contrôler ses ressources », et ce, souligne-t-il, « contrairement à d’autres pays où l’exploitation est sauvage et où les multinationales sont passées à un stade d’influer sur les décisions des gouvernements de ces pays, voire même créer des conflits entre des populations locales en provoquant des guerres civiles ».
En ce sens, il dira que « cet état de fait est la conséquence d’un pays mal construit où les institutions fragiles permettent l’ingérence des entreprises étrangères, étant donné que ces ressources énergétiques constituent présentement l’enjeu de cette confrontation dans le sillage de ce qu’on appelle la 2e Guerre froide».
La souveraineté énergétique est ainsi la grande contrainte à surpasser qui fait fi à pas mal de pays producteurs devenus des terrains propices pour spolier leurs richesses, conclut-t-il.
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