L’université doit amorcer sa mue pour opérer son émergence, à l’ombre des dernières orientations du président de la République et à l’optique des réformes souhaitées pour booster son rôle de vecteur de développement économique et l’adapter aux exigences du marché telles que la créativité, l’innovation et la recherche scientifique pour rendre service au pays et la société. C’est ce qui ressort de l’intervention, ce jeudi, du Professeur Rachid Belhadj, sur les ondes de la Radio algérienne.
Pour cela, l’invité de la rédaction de la Chaîne 3 plaide pour une réforme universitaire en profondeur lors des assises universitaires, prévues en juin prochain, qu’il esquisse selon les axes suivants : une revalorisation salariale, donner les moyens humain et matériel, la modernisation de la gouvernance des universités et un statut digne.
« Il faut aller vers l’excellence, la créativité et l’innovation »
« Il faut aller vers l’excellence, la créativité et l’innovation », insiste le professeur et néanmoins président du syndicat des professeurs et chercheurs algériens, afin d’entamer une nouvelle ère. « Celle du renforcement de la qualité de la formation universitaire et l’émergence d’une élite d’innovateurs pouvant aider à moderniser le pays », a-t-il précisé.
En effet, selon l’orateur, le ministère de tutelle va aborder la révision des statuts (en cours de préparation) et qui ne veut pas dire uniquement « salaire ». « Il ne s’agit pas de sortir de la Fonction publique, dit-il, mais la nécessité est de sortir de cette grille des salaires, autrement dit aller vers des salaires hors catégorie ».
L’intervenant insiste sur le fait que la Finance et la Fonction publique aideront à concrétiser l’objectif d’accéder au rang social qui sied à l’universitaire. Reconnaissant que sur le plan salarial la revalorisation des salaires de 2009 était notable, or, l’inflation et la détérioration du pouvoir d’achat a tout résorbé. « D’où l’urgence de revoir les statuts qui ne veulent pas dire salaires uniquement », explique-t-il.
Et d’expliquer qu’« il y a la progression, la recherche, encourager l’émergence de l’élite universitaire ». L’infrastructure existe, le ratio étudiant dans la société est passé de 44 étudiants/100.000 habitants à 3300 étudiants/100.000 habitants. Et en contrepartie on a le problème majeur du chômage.
Développer des mécanismes pour retenir la compétence en Algérie
Pour le syndicaliste Belhadj, le souci derrière cette révision des statuts (80% sont traités jusqu’à présent, ndlr) c’est de valoriser d’abord les salaires des enseignants, qui sont très insuffisants . Ce qui explique, selon lui, cette fuite massive des diplômés et réorganiser les sciences médicales pour y arrêter la saignée.« L’Urgence est de développer des mécanismes pour retenir la compétence en Algérie », que les étrangers pillent à l’image de la France qui organise chaque année un concours pour nous prendre 1200 médecins spécialistes qui vont renforcer son système de santé.
Optimiste quant à l’aboutissement des négociations avec la tutelle, et en tant que partie prenante des négociations, M. Belhadj souligne « une complémentarité de vues » entre les deux parties. « Les négociations ont porté sur la finance et la Fonction publique, qui grâce aux recommandations du président de la République, vont aider à développer ces statuts et rendre la dignité de l’enseignant universitaire. »
Remontant dans le temps, l'Invité de la rédaction regrette qu’il n’y a pas eu de débats depuis les premières assises de 1971, où il était question d’algérianiser l’université algérienne. « Qui dit assises, dit réforme de l’enseignement supérieur. »
En 1971, rappelle-t-il, l’Algérie avait deux universités, deux annexes, deux Ecoles supérieures et une Ecole normale. Aujourd’hui, l’Algérie a construit 58 universités, 30 centres universitaires, 20 Ecoles nationales supérieures, 10 Ecoles sup et 11 Ecoles normales et deux annexes. Avec des taux d’étudiants de deux millions d’étudiants pour ce qui est de la qualité de l’enseignement en on n’a pas atteint les objectifs escomptés.
L’autre problème cité par l’invité est celui de la qualité de ces structures. L’Algérie a construit des établissements universitaires, mais qui sont presque, déplore-t-il, « tous dédiés aux sciences humaines et sociales qui renferment 80% des étudiants algériens ».
Donner de la liberté aux universitaires pour montrer leurs capacités
La nécessité aujourd’hui est, à ses yeux, d’inverser la tendance de l’équation en allant vers les sciences et la technologie, dans l’engineering, l’informatique, les mathématiques, etc, selon une logique « équilibriste ». Car le marché demande de la création et de l’innovation, citant la pandémie de la Covid-19 où on avait besoin de respirateurs, de réactifs… « Où est la matière grise algérienne pour produire et aider l’industriel ? » S’est-il interrogé, avant de noter « on s’est trouvé en situation de manque de cadres supérieurs en innovation. »
La vraie réforme, conclut-il, est celle de donner de la liberté aux universitaires pour montrer leurs capacités de gestion, les évaluer, mais il faut aller vers la créativité, sachant que nous avons les compétences, dans tous les domaines, qui sont à encourager. Il y a urgence de faire en sorte de retenir nos cardiologues, ophtalmologues, gastroentérologues et d’autres spécialités rares devenues orphelines à cause de l’exode massif.